cogitation septième

Ce midi je suis allée manger sur mon banc préféré. Il s'agit d'un banc en bois, qui se trouve sous une sorte d'auvent fleuri, et fait face à un petit bosquet de bambous. C'est un endroit digne d'un film de Ghibli, et c'est mon banc préféré.

Là-bas, sur mon banc, le monde est calme. Le seul bruit qu'on entend c'est le bruissement des feuilles de bambou sous la brise, et l'occasionnel conversation des passants. Mais il n'y a pas beaucoup de passants.

D'habitude je suis toujours en train d'écouter de la musique ou un podcast ou un livre audio. Je trouve que dehors, dans la ville en tout cas, c’est trop bruyant et je ressens le besoin de me recroqueviller dans la bulle de mes écouteurs. C'est une façon de me couper du monde qui m'agresse. Mais sur mon banc cela n'est plus nécessaire. Je peux alors enfin me relaxer dans le calme de la nature.

J'ai la chance de travailler juste en face du jardin botanique qui abrite ce banc, et je n'habite pas bien loin non plus. Donc je peux y aller quand je veux. Si je me sens submergée par l'anxiété, je peux aller m’asseoir sur mon banc et je sais que tout ira mieux.

Mais je ne suis pas sûre de pouvoir être de nouveau anxieuse. Pas comme avant en tout cas.

Il s'est passé quelque chose très récemment. Un choc, un traumatisme, ou l'illumination ? Quoi qu'il en soit, suite à cet évènement, j'ai tout remis en question. Mon stress maladif, mon perfectionnisme mal placé, mon anxiété étouffante, mon cerveau qui ne se repose jamais, et qui s'enfonce dans une spirale de négativité à la moindre occasion. Toutes ces choses qui me font souffrir depuis si longtemps et que je ne sais pas comment améliorer, ou si peu. Tout cela a disparu face à l'absurdité et la violence de la mort. Je suis la première étonnée de ce revirement.

On entends souvent parler d'évènements qui changent la vie. Je suppose que ça arrive vraiment. Je suis triste qu'il m'aura fallu faire face au malheur d'autrui pour me réveiller, mais je me raccroche à l'idée qu'au moins cette disparition aura eu un sens pour une personne sur terre.

Maintenant je me tiens au milieu de mon existence, et je suis là, vraiment là. Pas dans les regrets du passé. Pas dans l'angoisse de l'avenir. Juste là, ici, maintenant. Et maintenant tout va bien.

Pour la première fois depuis longtemps peut-être, je peux dire que je vais bien, que je suis heureuse.

Précédent
Précédent

cogitation huitième

Suivant
Suivant

Cogitation Sixième