Cogitation cinquième
En ce moment, je réfléchis beaucoup à ma vie, à ce que je fais et pourquoi. J'ai toujours pensé que l'être humain ne possède pas de libre arbitre et qu'on a juste l'impression de prendre des décisions quand, en réalité, tout est décidé par une mixture de circonstances, d'éducation, de réactions chimiques et d'inconscient.
Je suis toujours de cet avis d'ailleurs.
Malgré tout, il ne serait tout simplement pas pratique de vivre sa vie en se laissant porter sous prétexte que le libre arbitre n'est qu'une illusion. Donc on continue de prendre des décisions, ou de se persuader qu'on en prend.
Alors je me pose beaucoup de questions sur les décisions que je prends, soit disant. Il y a beaucoup de choses dans mon comportement qui me gênent. Spécifiquement mon rapport aux autres.
Pour être honnête, je ne supporte pas les gens. Si je pouvais cesser toute interaction avec l'humanité, je ne m'en porterais que mieux. Malheureusement, à moins d'abandonner la civilisation pour aller vivre dans une grotte, ce n'est pas vraiment une possibilité.
Du coup je serre les dents et je supporte. Ou du moins j'essaye.
J'ai beaucoup de mal.
Je me dis souvent qu'il y a quelque chose de fondamentalement brisé dans mon cerveau. L'interaction est un mécanisme naturel chez l'être humain, ça ne devrait pas être si difficile. Alors pourquoi j'ai envie de tuer à coup de tronçonneuse les gens qui me parlent simplement de la pluie et du beau temps ? Pourquoi le fait de devoir dire bonjour meme quand j'ai mal au crâne, qu'il fait un temps de merde et que la journée est tout sauf belle, me donne envie de vomir ? Pourquoi la bienveillance et la politesse sonne pour moi comme de la pure hypocrisie ?
Pendant un temps j'ai pensé être autiste. Les psys en tout genre ne semblent pas d'accord avec ce diagnostic. Sachant que l'autisme est très mal diagnostiqué en France, surtout chez les femmes, je ne sais pas trop comment le prendre au final. Je suppose que ça restera un mystère. Quoi qu'il en soit, autiste ou pas, je suis clairement socialement handicapée.
Si cela se traduisait seulement par une charmante gaucherie passe encore. Mais pour moi c'est une réelle souffrance, et une source de fatigue sans cesse renouvelée.
Alors ces derniers temps je remets tout en cause. J'ai choisi une filière qui requiert énormement d'intéractions avec autrui. C'est une filière qui m'interesse, qui paye bien, et qui a plein d'autres avantages. Mais juste à cause d'un aspect difficile, je me demande si je n'ai pas fait une erreur. D'un autre côté les avantages certains m'empêchent de changer. C'est une forme d'attachement à la sécurité. Si j'arrête, je perds tout et après quoi ? Sûrement que dans un nouveau job, je devrais quand même interagir et en plus tout le reste sera moins bien.
Donc je serre les dents et je supporte.
Je vois bien que le problème est intérieur. Je ne peux pas fuir. Je dois lui faire face et le terrasser. Je dois changer. Mais je ne sais pas du tout comment faire. Peut-on apprendre la patience et la bienveillance ? Peut-on changer sa nature profonde ? Probablement pas.
Peut-on apprendre à mettre de l'eau dans son vin et à se détacher pour mieux supporter ? Ça parait déjà plus réalisable.
J'en reviens toujours à la question de la zénitude. Comment être calme, comment ne pas s'attarder sur le négatif.
J'y pense énormément, depuis des années. Mais je n'ai toujours pas la réponse en ce qui me concerne.
Je pense que peut-être, si je cessais de me prendre la tête avec tous ces questionnements, si je cessais de ruminer sur les choses désagréables, si je prenais juste les choses comme elles viennent sans anticiper le négatif, ou même le positif, ce serait peut-être déjà un bon début.